Tout commence un jour de printemps 1990 lorsque Maryse Le Roux rencontre à Lorient un personnage étonnant dont elle n’a jamais entendu parler, mais qui est susceptible de lui confier des documents sur le costume breton. En entrant chez cet homme, elle aperçoit tout de suite un portrait peint et encadré d’un prêtre au regard sévère : l’abbé Perrot. La jeune prof de français, qui vient de rentrer en Bretagne, pénètre alors dans un monde inconnu. Celui des nationalistes bretons qui vécurent l’une des périodes les plus déraisonnables de l’histoire de France, la Seconde Guerre mondiale. Herri Caouissin a été le secrétaire particulier de l’abbé Perrot jusqu’à l’assassinat de ce dernier par des communistes en décembre 1943. Sympathisant du Parti national breton, son activité sera centrée pendant la guerre sur des publications en breton destinées aux enfants.
Puis, ce sera Yann L’Haridon, engagé au PNB, mais opposé à la dérive extrémiste de Célestin Lainé et du Bezen Perrot. L’Haridon perdra sur tous les tableaux. Séquestré et battu par les hommes du Bezen Perrot, il sera envoyé en déportation mais parviendra à s’enfuir. Condamné à mort par la justice française, il s’exilera en Irlande. Maryse Le Roux fait ensuite la connaissance de Francine Rosec, alias Meavenn, un temps la compagne de Célestin Lainé. La jeune femme collabore à différentes revues nationalistes et fuit vers l’Allemagne avec les membres de la formation Perrot à la Libération. D’autres leur succéderont, comme Denise Guieysse, la fille de Marcel Guieysse, l’un des dirigeants du PNB, Charles Le Gaonac’h, qui s’exilera en Irlande lui aussi, ou encore Yann Fouéré et Yann Bouëssel du Bourg.
L’originalité de ce livre tient à ces confidences, rares, auxquelles se sont livrés tous ces témoins d’une époque si particulière. Comme celle, tout à fait ahurissante, de Meavenn, qui raconte comment elle a fait libérer Jean-Marie Chanteau, un des cadres du Bezen Perrot : “Je suis allée expliquer toute la question bretonne au président du tribunal militaire. Et il l’a fait sortir. Les hommes valent souvent mieux que leurs fonctions. On est restés amis depuis”.
Bretons : Toutes les personnes que vous avez interrogées sont mortes depuis quelques années, le dernier étant Yann Fouéré en 2011. Pourquoi tant de temps avant la publication du livre ?
Maryse Le Roux : Ce n’est pas parce que j’ai attendu qu’ils soient tous morts, mais c’est parce que je ne trouvais pas la forme. J’avais toute une série d’interviews, mais je ne savais pas quoi en faire. Je ne savais pas comment les organiser, parce que tous ces entretiens, les uns après les autres, ça ne fait pas un livre. Je me suis retrouvée bloquée face à ce problème. Et puis, j’ai repris mon travail de prof, j’ai laissé ça dans des cartons, mais toujours avec dans la tête l’idée qu’un jour, il faudrait que j’en fasse quelque chose.
La difficulté est de rester honnête, ouvert d’esprit et de replacer tout cela dans une société qui n’existe plus. Il faut toujours prendre beaucoup de distance, non ?
La méthode que j’ai employée, c’était de plonger dedans, d’écouter les gens comme si je découvrais tout à travers eux. J’explique cela dans le livre. C’est Kurt Wolff qui a formulé ça. Il appelle cela la technique de l’abandon, de la capitulation. Toute chose est pertinente, on prend tout, on accepte au risque de se faire blesser. Au début, j’écoutais, je posais des questions, sans jamais critiquer ou dire : Ça, c’est odieux. Et après, oui, je reprenais mes notes, et donc de la distance. Pour qu’ils me fassent confiance et aller dans la profondeur, il me fallait mettre en suspens mes préventions.
(…) Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le magazine Bretons n°138 de Janvier 2018.